La responsabilité élargie du producteur
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La responsabilité élargie du producteur

Le rôle de la responsabilité élargie du producteur dans la question des déchets, en France, ne cesse de grandir.

Avant de s’interroger sur la place qui lui est donnée, il faut comprendre les objectifs qui lui sont assignés et son fonctionnement afin de clarifier le rôle qu’elle joue aujourd’hui.

La Responsabilité Elargie du Producteur (REP) repose sur le principe que les producteurs sont responsables des produits qu’ils mettent sur le marché, et ce jusqu’à leur fin de vie. En découle l’obligation pour eux d’assurer la collecte et le traitement de leur produit devenu déchet. Elle suit le principe du pollueur-payeur : les coûts de la gestion des déchets sont transférés au producteur.

La REP fait son apparition dans la législation française en 1975. Elle vise d’abord les lubrifiants automobiles en 1990, puis les emballages ménagers en 1993. Aujourd’hui, le principe est appliqué à une vingtaine de filières en France et à plus de 400 dans le monde ; il est adaptable selon le pays et le flux de déchets en question.

1/ La REP, pourquoi ?

La REP sert 3 objectifs :

  1. Elle incite les producteurs à éco-concevoir leurs produits. En intégrant le coût de gestion des déchets directement dans le coût du produit, les producteurs sont poussés à développer des produits plus facilement recyclables ou générant moins de déchets.

2. Elle favorise le développement du recyclage. Comme les producteurs ont la charge du traitement, ils ont tout à gagner à investir dans le développement d’un processus de recyclage plus performant. En massifiant les gisements de déchets, des filières de recyclage à l’échelle industrielle ont pu être développées.

3. Elle permet de ne plus faire porter aux collectivités locales les coûts de gestion des déchets. Les collectivités sont encore impliquées dans la gestion des déchets couverts par les REP, mais elles sont alors financées par les producteurs.

 

2/ La REP, comment ? 

La mise en œuvre du principe de REP n’est pas uniforme. Cinq distinctions importantes sont à retenir :

La responsabilité des producteurs peut être obligatoire ou volontaire

Certaines filières sont obligatoires et répondent à des objectifs fixés par la loi. Ce n’est pas le cas pour toutes les filières (lien tableau des REP). Certaines, en minorité, naissent d’engagements volontaires de l’industrie : ceci par conscience écologique ou bien en anticipation – et souvent pour éviter – une nouvelle REP imposée par les pouvoirs publics.

Les producteurs des filières obligatoires doivent atteindre des objectifs de prévention, collecte et/ou recyclage des déchets fixés par les pouvoirs publics. Les producteurs qui échappent à la filière REP à laquelle ils sont tenus de participer sont passibles d’une amende.

La responsabilité peut être collective ou individuelle

Pour répondre à leur obligation, les producteurs peuvent s’organiser collectivement ou individuellement.

Dans le cas d’une organisation collective (la plus fréquente), les producteurs se regroupent sous une structure à but non lucratif, un éco-organisme. Ils lui délèguent leurs obligations de collecte et de traitement des déchets. La contribution financière versée par les producteurs est appelée éco-contribution : elle correspond au coût de gestion des déchets intégré au prix du produit.

Dans le cas d’une organisation individuelle, le producteur prend en charge lui-même la collecte et le traitement des déchets qu’il génère.

La participation à la collecte et au traitement peut être financière ou opérationnelle

La responsabilité financière se limite au versement d’une contribution financière pour la gestion des déchets. Le plus souvent, les producteurs, via les éco-organismes, reversent la contribution directement aux collectivités locales.

Elle peut aussi être opérationnelle et se traduire par une intervention directe des producteurs sur la partie de collecte, tri et traitement des déchets. Elle est généralement réalisée par des prestataires privés au nom des producteurs ou de l’éco-organisme.

Il existe des filières ménagères et des filières professionnelles

Lorsque le détenteur final du déchet est un ménage, la filière est dite ménagère. C’est le cas pour le linge de maison par exemple. A l’inverse, si l’utilisateur final est un professionnel il s’agira d’une filière professionnelle, comme celle des produits pour l’agrofourniture.

Certains flux de déchets, comme les Déchets d’Eléments d’Ameublement (DEA), peuvent être détenus par des ménages comme des professionnels. Leur filière est dite mixte.

Des filières européennes ou françaises

Toutes les filières présentes en France ne sont pas exclusivement françaises. Certaines existent au niveau européen : c’est notamment le cas pour les emballages, les automobiles, les déchets d’équipements électriques et électroniques, les piles et accumulateur ou encore les médicaments.

3/ Les nouveaux enjeux de la REP

La REP n’a pas fini de grandir

On observe en France, sous l’impulsion des pouvoirs publics, une multiplication des filières REP : neuf nouvelles filières sont prévues par la loi Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire (AGEC) entre 2021 et 2025. On note notamment celle visant les produits du tabac, qui devrait permettre le traitement des mégots, et celle portant sur les textiles sanitaires à usage unique, dans laquelle les lingettes et les couches sont comprises.

De plus, certaines filières existantes voient leur périmètre étendu à de nouveaux produits et de nouveaux secteurs vont être concernés. C’est le cas pour les emballages de la restauration et ceux des professionnels, qui rejoindront la filière emballages respectivement en 2022 et 2025.

Cette dynamique imposée par la loi AGEC révèle la volonté d’intégrer toujours plus de produits dans les filières REP.

L’écoconception encouragée

Depuis une dizaine d’années, des objectifs d’éco-conception sont fixés aux filières REP, qui prennent souvent la forme d’une éco-modulation des contributions des producteurs en fonction de critères écologiques : ce mécanisme de « bonus-malus » s’applique aux producteurs selon les caractéristiques des produits qu’ils mettent sur le marché. Par exemple le producteur d’un produit réparable, ou contenant des matières recyclées, paiera une éco-contribution plus faible (bonus). A l’inverse si par exemple le produit est non démontable, ou composé de matières polluantes, alors l’éco-contribution du producteur sera majorée (malus).

La loi AGEC élargit les critères d’éco-modulation, qui pourront désormais inclure des mesures de prévention et d’allongement de la durée de vie des produits, de réemploi, réutilisation et réparation, ou encore l’utilisation de matières renouvelables ou d’un certain taux de matières recyclées.

Ainsi les considérations au sein des filières REP se tournent de plus en plus vers « l’amont », même si elles restent globalement complexes à mettre en œuvre.

4/ Une tendance – critiquable – à tout vouloir résoudre par la REP 

Après « 30 ans de REP », force est de constater que cet outil de prévention et gestion des déchets a pris en France une place de tout premier plan. Cependant, la question se pose de plus en plus des « limites » de la REP, à qui les pouvoirs publics accordent toujours plus de place et assignent toujours plus d’objectifs différents. Dans une certaine mesure, la REP n’est-elle pas devenue une « solution de facilité » adoptée par les pouvoirs publics : une sorte de réponse « réflexe » pour toute question de prévention et gestion des déchets ?

Au moins trois éléments plaident en ce sens :

1/ Les filières les plus matures plafonnent en termes de performance  

La filière des déchets d’équipements électriques et électroniques, par exemple, a pour objectif d’atteindre un taux de collecte à 65 % alors qu’il est actuellement de 51 %. Il en est de même pour la filière des emballages, qui malgré l’extension des consignes de tri peine à dépasser 70 % de recyclage ;

2/ La multiplication des filières REP complique, en amont, les déclarations des producteurs et, en aval, potentiellement la collecte.

En amont, certains metteurs sur le marché comme les distributeurs doivent adhérer à 10 ou 15 filières différentes ; en aval, certaines collectivités (ou une nouvelle fois les distributeurs) doivent collecter 5, 10, 15 flux de déchets ou davantage. Cette complexité croissante peut être un frein à l’efficacité des filières ;

3/ La REP joue rarement un rôle de prévention.

La réduction des déchets, en tant que telle, n’est pas un objectif assigné à la REP. La contradiction fondamentale à demander aux producteurs de moins ou de ne plus produire est bien la limite du modèle, qui n’est donc pas la solution miracle à la question des déchets.

Certes, les pouvoirs publics adoptent aussi des mesures d’autre nature pour réduire et mieux trier les déchets : par exemple les mesures favorables au réemploi ou à la réparation inscrites dans la loi AGEC, ou la hausse programmée de la TGAP inscrite dans la loi de finances de 2019. Ces mesures complètent en effet les REP, mais font peut-être doublon – et restent de toute façon, pour beaucoup, encore en attente de décrets d’application… Il y a donc un foisonnement de mesures en France (dont de nouvelles filières REP) : leur application sera complexe et leur efficacité reste à prouver, ceci sera à observer de près à partir de 2021 !

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