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Aides techniques : le point sur la filière
En septembre 2022, Bérangère Couillard – alors secrétaire d’Etat chargée de l’écologie –annonçait le lancement des travaux de préfiguration « d’une nouvelle filière d’économie circulaire pour organiser le réemploi des équipements d’aides techniques ». Pourtant cette filière n’a jamais vu le jour… mais cela n’a pas empêché le réemploi des aides technique de se développer.
Pourquoi n’y a-t-il pas de filière à Responsabilité Elargie du Producteur (REP) pour les Aides Techniques (AT) ?
La REP « aides techniques » est bien mentionnée à l’article L. 541-10-1 du Code de l’environnement, mais elle n’y figure pas au même titre que les autres. En effet, toutes les REP ont un numéro, et après les 22 numéros on a cette mention : « Les aides techniques mentionnées à l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles […] peuvent également relever du principe de responsabilité élargie du producteur en application du premier alinéa du I de l’article L. 541-10 du présent code. »
Cependant l’annonce faite par Bérangère Couillard en septembre 2022 a bien été suivie par la réalisation d’une étude de préfiguration : étude réalisée par Take a waste pour le compte de l’ADEME, et dont la synthèse a été publiée en février 2024. Parmi les principaux résultats de cette étude, on peut citer les suivants :
- La REP « aides techniques » est à la croisée de différentes filières REP existantes, comme celle des Eléments d’Ameublement (EA), des Equipements Electriques et Electroniques (EEE) ou même des Produits et Matériaux de Construction et du Bâtiment (PMCB) pour les aides techniques fixes ;
- Si l’on restreint le périmètre de la nouvelle filière aux aides techniques qui ne sont pas déjà incluses dans d’autres REP, alors le « gisement » est estimé à environ 60 millions d’aides techniques mises sur le marché chaque année, correspondant à un point d’environ 37 000 tonnes – ceci toutes catégories d’aides techniques confondues (mobilité, activités du quotidien, équipement du domicile, etc.) ;
- A la date de réalisation de l’étude (2023), il existait une quarantaine de structures de réemploi des aides techniques, qui collectaient ensemble environ 800 tonnes d’aides techniques, dont une partie seulement bénéficiaient d’une seconde vie (30 % environ) ;
Quelles sont les évolutions réglementaires en cours et à venir ?
Le 17 mars 2025 a été publié un décret encadrant la Remise en Bon Etat d’Usage (RBEU) des aides techniques. Ce décret était attendu depuis longtemps et il contient notamment :
- Une définition de la RBEU : « la remise en bon état d’usage d’un dispositif médical à usage individuel correspond à l’ensemble des opérations d’entretien et de maintenance réalisées sur un dispositif déjà mis en service […] en vue de permettre sa nouvelle distribution à d’autres patients […]. » Point important, la remise en bon état d’usage est bien distinguée de la remise à neuf : « La remise en bon état d’usage permet, sans procéder à une remise à neuf du dispositif au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2017/745 du 5 avril 2017 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, de maintenir ou de rétablir sa fonction conformément à la destination indiquée par le fabricant et couverte par le marquage CE, sans en modifier les performances ni les caractéristiques techniques et fonctionnelles. »
- Un principe de certification des centres de RBEU : « les centres ou les professionnels certifiés pour réaliser les opérations de remise en bon état d’usage disposent d’un certificat établissant la conformité de leurs pratiques avec les conditions fixées par l’arrêté prévu à l’article R. 5212-44. Le certificat est délivré, pour une durée de quatre ans, par un organisme certificateur accrédité […]. »
- Une traçabilité des aides techniques remise en bon état d’usage : les aides techniques reconditionnées vont intégrer le dispositif Eco-DM, prévu plus largement pour les équipements médicaux (neufs inclus).
Cependant, de l’avis de acteurs de la RBEU des aides techniques, il reste trois textes importants à publier pour réellement développer la filière :
- L’arrêté dressant la liste précise des équipements éligibles à la remise en bon état d’usage : la définition de la RBEU reste générique, mais il reste à savoir quelles aides techniques en particulier sont autorisées à la remise en bon état d’usage ;
- La norme AFNOR détaillant les opérations de remise en bon état d’usage, qui permettra aux structures de réemploi de devenir des professionnels certifiés. Le « socle commun » de cette norme est prêt depuis plusieurs mois, mais d’une part il n’a pas encore été publié et d’autre part les acteurs sont en attentes de la déclinaison de cette normes par catégorie de produits. Quelles sont les exigences normatives spécifiques pour la RBEU des fauteuils roulants ? Des lunettes ? Etc.
Enfin, un décret autorisant le remboursement par la sécurité sociale des aides techniques remises en bon état d’usage. Ce décret favoriserait les aides techniques en les rendant encore moins chères qu’aujourd’hui les aides techniques neuves ; attention cependant, si le remboursement des aides techniques neuves venait à être étendu lui aussi, alors le différentiel de prix entre le neuf et l’occasion n’existerait plus, donc les usagers n’auraient plus d’incitation économique à choisir l’occasion de préférence au neuf.
Comment le marché des aides techniques de seconde main se structure-t-il ?
Les acteurs de la seconde main des aides techniques n’ont pas attendu le décret du 17 mars pour se structurer ; ils n’ont pas attendu la définition officielle de la RBEU pour reconditionner des aides techniques. La nouvelle réglementation permet néanmoins de sécuriser leur activité, et l’on voit progressivement le marché des aides techniques d’occasion se structurer. Il existe à la fois :
- Des acteurs généralistes, comme ENVIE Autonomie (le plus ancien et le plus important sur le marché), Libel’Up ou le réseau Téana. Si l’on pousse l’analyse jusqu’à la prospective, il semble que les tendances suivantes se dégagent pour les acteurs généralistes :
- D’une part, ils commencent à se répartir le marché par grandes régions : Libel’Up dans les Hauts-de-France, ENVIE Autonomie plutôt dans le quart nord-ouest de la France, le réseau Téana en Nouvelle-Aquitaine ;
- D’autre part, ils se spécialisent de fait sur les aides techniques pour la mobilité : le gros des volumes d’aides techniques par les acteurs dits « généralistes » sont en réalité des fauteuils roulants (manuels ou électriques), des déambulateurs, etc.
- Des acteurs spécialisés, en particulier pour les aides techniques suivantes :
- Orthèses et prothèses, avec Redeem et Gekomed notamment ;
- Equipements d’optique, avec les Lunettes de Zac ou Seecly par exemple.
Malgré l’absence de filière REP dédiée, le marché des aides techniques de seconde main est dans une phase de développement, signifiant à la fois une croissance des quantités remises en bon état d’usage, l’émergence de nouveaux acteurs et une segmentation du marché toujours plus poussée – en lien avec les différentes catégories d’aides techniques que la réglementation d’ailleurs est appelée à préciser. Si l’État tarde à acter une filière officielle,le marché en tout cas se structure et se développe, et c’est une excellente nouvelle pour la seconde vie des aides techniques !