Les consignes de tri des DASRI
Le tri des Déchets d’Activités de Soins à Risque Infectieux (DASRI) est très inégal d’un établissement de santé à l’autre : selon les indicateurs du Comité du Développement Durable en Santé (C2DS), la production de DASRI par journée d’hospitalisation en Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO) varie entre 0,86 kg et 6,4 kg par journée d’hébergement, pour une moyenne se situant à 2,3 kg. En EHPAD, on retrouve aussi un écart-type très important autour de la moyenne.
Cet article vous permettra de comprendre pourquoi il est essentiel de maîtriser les consignes de tri des DASRI et vous éclairera sur les erreurs à ne pas commettre !
I/ Les enjeux d’un bon tri des DASRI
Différentes règles s’appliquent à la gestion des DASRI tout au long du circuit des déchets, comme le rappelle cet article :
- Règle n°1 : L’obligation de tri ;
- Règle n°2 : L’utilisation obligatoire de bacs DASRI spécifiques ;
- Règle n°3 : L’enlèvement obligatoire à intervalle régulier ;
- Règle n°4 : La collecte réglementée et la traçabilité jusqu’au traitement final.
Le présent article se focalise sur le tri des DASRI, qui répond à plusieurs enjeux :
- Economique: les DASRI sont beaucoup plus coûteux que les déchets d’activités de soins non-dangereux (DASND). Plusieurs facteurs peuvent faire varier le niveau de coût global comme le tonnage, la fréquence de collecte, la localisation géographique ou encore le type de conditionnements utilisés. Une étude réalisée entre 2012 et 2019 estime le coût moyen des DASRI à 854 € / tonne (DGOS, projet ARMEN) contre environ 150 € / tonne pour les DASND ;
- Environnemental : les DASRI nécessitent un traitement spécifique, or les deux méthodes de traitement possibles – l’incinération et la banalisation – ont un impact environnemental important. De plus, les DASRI font l’objet de tournées de collecte spécifiques qui doivent être réalisées à une fréquence potentiellement élevée en fonction du volume produit par établissement[1] ;
- Sanitaire : il est primordial d’éliminer dans la filière DASRI les déchets répondant à la définition réglementaire du DASRI, sous peine de contaminer des opérateurs de gestion des déchets (qui pourraient se couper par exemple avec les déchets) ou de générer des pollutions locales (des sols par exemple en cas d’enfouissement des déchets) ;
- Règlementaire: le non-respect des prescriptions règlementaires relatives au stockage, à l’élimination et au suivi des DASRI expose le contrevenant à des sanctions (jusqu’à une amende de 75 000 € et un emprisonnement de 2 ans).
II/ Quelle est la définition règlementaire d’un DASRI ?
Les DASRI sont définis à l’article R. 1335-1 du Code de la santé publique. Il s’agit de déchets qui :
- Soit présentent un risque infectieux, du fait qu’ils contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants ;
- Soit même en l’absence de risque infectieux, relèvent de l’une des catégories suivantes :
- Matériels et matériaux piquants ou coupants destinés à l’abandon, qu’ils aient été ou non en contact avec un produit biologique [OPCT = Objets Piquants Coupants Tranchants] ;
- Produits sanguins à usage thérapeutique incomplètement utilisés ou arrivés à péremption ;
- Déchets anatomiques humains, correspondant à des fragments humains non aisément identifiables.
Si ces trois dernières catégories de déchets ne posent pas de difficultés particulières, puisque la marge d’interprétation est très faible, ce n’est pas le cas de ceux qui présentent un risque infectieux. En effet, le « risque infectieux » est laissé à l’appréciation du soignant, en fonction du contexte de soin. Ainsi, un même déchet – une compresse par exemple – peut dans certains cas être un DASRI (si elle présente un risque infectieux) et dans d’autres cas ne pas être un DASRI (si elle ne présente aucun risque infectieux).
Se pose donc la question : qu’est-ce au fond qu’un « risque infectieux » ?
III/ Interprétation de la règlementation DASRI
La loi ne caractérisant pas précisément la notion de risque infectieux, celle-ci a fait l’objet de plusieurs interprétations au fil du temps et notamment :
- En 2008, le guide de la Mission nationale d’Expertise et d’Audit Hospitalier introduit la notion de risque psycho-émotionnel (risque qui n’existe pas dans le code de la santé publique) ;
- En 2009, ce principe est repris dans le guide publié par la Direction Générale de la Santé (DGS) « Déchets d’activités de soins à risque : comment les éliminer ? ». Ce guide précise notamment qu’« indépendamment de la notion de risques infectieux, tout petit matériel de soins fortement évocateur d’une activité de soins et pouvant avoir un impact psycho-émotionnel (seringue, tubulure, sonde, canule, drain, gant) » est à éliminer systématiquement dans la filière DASRI. De la même façon, « tout article de soins et tout objet souillé par (ou contenant) du sang ou un autre liquide biologique (liquide pleural, péritonéal, péricardique, amniotique, synovial…) » est à éliminer systématiquement par la filière des déchets à risques infectieux en raison de sa nature (p.14 du Guide DGS).
Ces directives ont contribué à semer la confusion dans l’application des consignes de tri, alors même que la définition d’un DASRI ne comporte aucun élément relatif à la notion de risque psycho-émotionnel, de souillure ou même de présence de liquide biologique.
- En 2017, le C2DS a publié un « Guide pratique du développement durable au bloc opératoire » qui rappelle, entre autre, la règlementation officielle concernant la catégorisation d’un déchet en DASRI. Par ailleurs, ce guide alerte sur la pratique répandue dans les établissements de santé de jeter dans la poubelle DASRI tout objet ayant été en contact avec un patient.
IV/ Quelles perspectives pour clarifier les consignes de tri des DASRI ?
Préciser les termes : Contaminé vs. Souillé
De nombreux acteurs du secteur de la santé continuent de s’appuyer sur le guide DGS de 2009 alors même que celui-ci ne permet pas précisément de reconnaître le caractère infectieux d’un déchet d’activité de soins (DAS), mais plutôt de faciliter le tri en élargissant la définition d’un DASRI. Par précaution ou « dans le doute », on considère comme DASRI tout ce qui est souillé, qui présente un risque psycho-émotionnel ou qui contient du liquide biologique – alors qu’une partie seulement de ces déchets-là présentent réellement un risque infectieux.
En particulier, tout ce qui est souillé n’est pas nécessairement contaminé. En effet, le sang ou l’urine sont stériles et ce n’est que lorsqu’ils proviennent d’un patient porteur de maladie que ces liquides biologiques peuvent présenter un risque infectieux. Plusieurs acteurs comme la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) et le CD2S plaident ainsi pour une actualisation de ce guide afin notamment d’y intégrer les enjeux de développement durable que pose le tri des déchets en établissements de santé et de clarifier les consignes de tri des DASRI[2].
Indiquer clairement les principes généraux de l’évaluation du risque infectieux
D’autres initiatives émergent pour apporter des éléments de précision sur les règles de tri. En février 2021, l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Occitanie a par exemple réuni un groupe de travail afin de produire le guide « Déchets d’activité de soins et risque infectieux : mise au point ». Celui-ci rappelle notamment les principes généraux pour l’évaluation du risque infectieux pour tous DAS.
Le principe est que pour tout DAS, le risque infectieux existe si les conditions suivantes sont réunies :
- Présence dans le déchet d’un micro-organisme potentiellement pathogène ;
- ET existence d’une voie de pénétration du germe chez l’homme (aérienne, digestive, percutanée, transmuqueuse).
Exemple : poche (vide) de ponction : peu de produit pathogène a priori à l’intérieur de la poche, risque de rupture de la poche très faible, risque de pénétration d’un micro-organisme chez l’homme lors de manipulation très faible (contact entre l’intérieur de la poche et la peau lésée d’un professionnel) – donc ce déchet pourrait être évacué dans la filière DASND sans exposer un agent à un risque infectieux.
Le guide du tri à la source des DASRI publié par l’ARS Grand Est fournit également des exemples afin de faciliter la catégorisation des déchets, sans pour autant apporter de clarification particulière dans la définition d’un DASRI.
Conclusion
On peut souhaiter tout d’abord une clarification des consignes officielles de la part de la DGS, afin de corriger le guide de 2009 et apporter une définition précise de ce qu’est un DASRI. Ensuite, un travail de sensibilisation et de formation auprès des soignant·es est indispensable, puisque ce sont elles et eux les décisionnaires finaux lors de la réalisation du tri.
Dans certains établissements ayant conduit des campagnes de sensibilisation sur ce sujet, le flux DASRI a été divisé par deux ou même davantage ; ces résultats sont la preuve qu’un meilleur tri est possible, avec à la clé une réduction des coûts de gestion des déchets ainsi que de l’impact environnemental des activités, via la réorientation d’une partie des déchets d’activités de soins en filière de recyclage, ou a minima en filière DAOM.
D’autres questions sur les DASRI ? Faut-il par exemple investir dans un appareil de banalisation DASRI ? On y répond dans cet article !
Vous avez besoin de plus de conseils sur la gestion de vos déchets ?
[1] De manière générale, les DASRI des cliniques sont collectés environ 3 fois par semaine.
[2] De même en octobre 2021, le député Cédric Villani a présenté à l’Assemblée nationale un avis portant sur les innovations en matière de traitement des DASRI dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 ; dans ce document, il appelle notamment à user d’une compréhension moins extensive du principe de précaution pour le tri de certains de DASRI.
Sources :
a4527-tXIII (assemblee-nationale.fr)